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Entretien avec Beyoncé pour Vogue



Création Alexander McQueen
Photo de Kennedi Carter


Pas une, ni deux mais trois! C'est bien sur trois couvertures différentes que l'on retrouve Beyoncé pour l'édition britannique du magazine Vogue de décembre 2020.

L'occasion aussi d'une grande séance photo de plus de dix heures mettant à l'honneur divers créateurs mais aussi une des rares invitations à s'immiscer (un peu) dans le monde de Beyoncé.


Voilà plusieurs mois que le rédacteur en chef de la version anglaise du magazine, Edward Enninful,  préparait cette interview. Il était même ravi de suivre ce shooting via Zoom pendant 12 heures au cours desquelles les tenues d'Alexander Mc Queen, Oscar de la Renta ou Burberry côtoient celles de Fendi, Westwood ou même la propre marque de la chanteuse, Ivy Park. Toujours emprunte d'humilité, elle a d'ailleurs confié être honorée que sa marque puisse paraitre aux côtés des autres prestigieux couturiers. Le tout derrière l'appareil de Kennedi Carter, jeune artiste photographe noire (c'était une requête de la chanteuse), qui, à 21 ans, fan de Queen Bey de plus est, pensait qu'une telle opportunité ne pouvait être réservée qu'à un photographe bien plus expérimenté. Cette native du Texas, comme la chanteuse, a pourtant brilamment relevé le défi.

Ivy Park, qui en est à sa seconde collaboration avec Adidas, vient de dévoiler sa nouvelle collection aux couleurs vibrantes. Une collection qu'elle a voulu sous le signe de la joie et de la bonne humeur, comme pour redonner le moral en réponse aux évènements de cette année. Il est vrai que le corail, le jaune fluo et le baby blue font penser aux beaux jours et nous rappellent de sourire. Une collection fonctionnelle et versatile puisqu'on peut aussi bien faire du sport qu'aller en soirée avec! Le but était d'être inclusif au niveau des tailles et du style avec des fringues amusantes et modernes.

 "Ils m'apportent de la joie et me font sourire au milieu de ces temps durs pour chacun d'entre nous".


Collection en édition limitée disponible en Europe depuis le 18 novembre 2020 chez Adidas.


L'idée lui est aussi venue d'un petit rituel mis en place chez elle pendant le confinement : tous les vendredis, c'était "Vendredi mode" où les enfants et elle choisissaient des fringues dans son dressing ou les fabriquaient ensemble, et tout le monde se prenait ensuite en photo! C'est dire que la mode est un élément important surtout en cette période de crise sanitaire inédite, un moyen de s'évader.



L'objectif désormais de Beyoncé est de s'amuser. A 39 ans elle se sent bien dans son corps, bien dans sa tête et est pleinement capable d'assumer le tout. En cette période inédite elle souhaite que quelque chose d'aussi simple que la joie puisse avoir de l'impact.

Création Mugler
Photo de Kennedi Carter


Nul n'est passé à côté de son film Black Is King cet été. Une oeuvre visuelle qui a pourtant simplement démarré dans son jardin où, à la base, elle ne devait tourner qu'une ou deux vidéos pour The Gift, la bande originale musicale du Roi Lion. Puis, avant qu'elle s'en aperçoive, son équipe tournait aux quatres coins du monde accompagnée de créatifs tous aussi talentueux les uns que les autres. Le film a effectivement été tourné à Londres, en Afrique du Sud mais aussi au Ghana, au Nigéria et à Los Angeles.

La plupart des créatifs étant afrodescendants, il était important qu'ils puissent raconter leur histoire familiale. Le choix des artistes s'est porté sur ceux qui, selon elle, étaient capables de la pousser en tant qu'artiste mais également en tant qu'être humain. "J'adore créer un pont entre des artistes talentueux qui n'auraient pas naturellement travaillé ensemble. Rassembler toutes ces perspectives et expériences pour créer une grande narration. Je pense que le grand art est découvert lorsqu'on est persévérant, travailleur acharné et que, lié à cette vision, votre don trouve sa place à un certain moment". Il était important pour elle de mettre en valeur des talents cachés car "il n'est pas donné à tous l'opportunité d'être embauché chez Vogue, de diriger un film ou de créer une ligne de vêtements, et cela à cause du manque de diversité chez les décideurs. Je me suis concentrée sur le fait de changer les mentalités avec mes projets. J'ai investi 100 % de mes revenus à faire en sorte que nous ayions les meilleures personnes et la meilleure production sur ce film car je connais le niveau de qualité que n'importe quelle production peut avoir avec une équipe diversifiée".

Sur ce projet on a tous constaté la place importante de la mode où il était vital que les créateurs africains aient également leur place : "Il était important de travailler avec les couturiers africains, et l'ensemble des tenues a amplifié les thèmes majeurs du film, tels que l'oppulence et l'excellence noire. La mode est un moyen d'exposer la culture et l'héritage. La manière dont nous avons utilisé la couleur pour passer d'une émotion à une autre était intentionnel et symbolique. Une des meilleures choses sur ce film était la collaboration mutuelle et respectueuse entre les créateurs afro-américains et ceux de la diaspora africaine. Tourner ce film a été une aventure incroyable."


Création Christopher John Rogers
Photo de Kennedi Carter

A propos de son processus créatif : "Je choisis d'investir mon temps et mon énergie uniquement dans des projets qui me passionnent. Une fois engagée, je donne tout. Je commence par identifier ce que je veux et à m'assurer que mes collaborateurs soient sur la même longueur d'ondes. Il faut beaucoup de patience pour travailler avec moi. Mon processus est méticuleux. Je revois chaque seconde de tournage plusieurs fois. Je prends chaque élement et je le déconstruis. Puis je construis encore plus d'élements et je le répète pendant des mois! Je n'abandonne que lorsque ça a atteint son plein potentiel. Je pense que ma force est dans le fait de comprendre comment la narration, la musique, l'éclairage, la mode, l'art, la direction artistique, l'histoire, la danse et le montage fonctionnent ensemble. Ils sont tous aussi importants".


Si certains lui ont reproché d'avoir profité ou surfé sur une supposée tendance, elle rappelle que valoriser et soutenir la communauté afro est ce que sa famille a toujours fait. "Nous investissons dans l'éduction des jeunes grâce aux bourses scolaires aux USA et les stages avec le programme BeyGood en Afrique du Sud. Je suis aussi très fière du travail réalisé avec la NAACP (l'association nationale pour l'avancement des personnes de couleur) qui soutient les petits entrepreneurs afro qui n'auraient probablement pas pu survivre cette année."

Sur ce coup, on peut nettement statuer sur le fait qu'être artiste et activiste ne s'excluent pas. Cette année, en collaboration avec sa mère et leur église à Houston, sa ville natale, elle a pu aider la population en fournissant notamment des tests aux plus démunis.

"C'était touchant de voir les photos des lieux de tests et de lire les lettres des gens dits "à risques" qui étaient capables de se remettre et de rentrer en toute sécurité chez eux de l'hôpital. Ce fut une chance pour moi d'avoir pu aider encore plus de personnes grace aux fonds provenant du remix de Savage avec Megan the Stallion. Les gains ont été reversés en intégralité aux personnes touchées par le virus. J'en ai fait de même avec Black Parade. Ce fut une année de service pour moi."


La maternité est une de ses grandes sources d'inspiration et donner la vie lui a révélé le pouvoir qu'elle avait, notamment celui de s'assurer que ses enfants vivent dans un monde où leur voix est entendue et où on les voit. 

En tant que parent, elle a appris à mieux écouter ses enfants. Quand elle évoque Blue, 8 ans, déjà consciente de certains évènements, elle affirme que son rôle est de faire en sorte que son monde soit le plus positif et sécurisé possible pour un enfant de son âge. "Mon meilleur conseil serait de les aimer plus fort que jamais. Je fais en sorte que mes enfants sachent qu'il n'est jamais trop tôt pour contribuer à changer le monde. Je n'ai jamais sous estimé leurs avis ou leurs sentiments, et je m'assure de comprendre comment tout ça les affecte.

Blue a vu quelques réactions à la vidéo de Brown Skin Girl et à d'autres clips. Lorsque je lui dis que je suis fière d'elle, elle me réponds qu'elle est fière de moi et que je travaille bien, c'est trop mignon! Je pense que le meilleur moyen de leur apprendre c'est d'être le meilleur exemple".


Ayant l'habitude de laisser son travail parler à sa place, elle aura retenu une chose essentielle cette année : "J'ai appris que ma voix est plus claire lorsque je suis calme. J'apprécie fortement ce temps passé en famille et mon nouvel objectif est de ralentir et de me débarasser de toute source de stress.

Pour la chanteuse/femme d'affaires/perfectionniste, les évènements inédits de cette année étaient l'occasion de prendre du recul et de rétablir le curseur de ses priorités. Elle n'avait jamais vécu une période aussi inactive. "Je suis arrivée dans l'industrie musicale à l'âge de 15 ans et j'ai grandi sous l'oeil du public. J'ai enchainé les projets, sorti Lemonade pendant la tournée Formation World Tour, donné naissance aux jumeaux, joué à Coachella, monté Homecoming puis fait une autre tournée avec Jay, ensuite Black Is King, tout ça l'un après l'autre, ça a été lourd et trépidant.  J'ai passé beaucoup de temps à construire ma carrière et à représenter ma culture du mieux que je pouvais. Désormais, j'ai décidé que je pouvais m'autoriser à me concentrer sur mon propre bonheur."

Lorsqu'on lui demande, en tant que femme d'affaires, de quoi elle est le plus fière, elle répond qu'être propriétaire de ses créations est très important de même que de pouvoir faire des choses d'un point de vue non commercial ou masculin. "On peut décider de ce que signifie le succès. Etre numéro 1 ne signifie pas être de meilleure qualité. Et le succès commercial n'équivaut certainement pas à avoir de l'impact. La culture ne se monnaie pas". 

On apprend également qu'elle a souvent tendance à égarer ses clefs et son smartphone qui est régulièrement déchargé! Enfin, en marge de sa fidèle ruche (ses fans sont baptisés la BeyHive, littéralement la ruche de Beyoncé), elle en possède une vraie, composée de plus de 80 000 abeilles produisant des centaines de pots de miel chaque année dont les nombreuses vertues permettent notamment de soigner les allergies de ses filles.
Ivy Park x Adidas
Photo de Kennedi Carter


Une année mouvementée donc pour l'artiste qui se dévoile un tout petit peu, toujours en retenue, mais on est toujours prêts à prendre ce que Beyoncé veut bien nous offrir!

L'article dans son intégralité et sa version originale est à lire ICI.


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